L'Architecture Gothique

Publié le par Franck

1°) partie,
Architecture gothique

L'architecture gothique (ou francigenum opus) est un style architectural de la seconde partie du Moyen Âge en Europe occidentale.

Cathédrale Notre-Dame de Chartres, première cathédrale de style gothique classique
La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, un des chefs-d'œuvre de l'architecture gothique

Avant-propos 

Intérieur de la cathédrale de Sées, Basse-Normandie : galeries d'arcs en ogive
Cathédrale de Strasbourg : rosace ou rose , vue extérieure

Ce sont les Italiens de la Renaissance qui ont nommé « gothique » ce style initialement nommé francigenum opus « art de France », puisque né au cœur du royaume. Le terme « gothique » fut utilisé a posteriori dans un sens péjoratif : l'art gothique était l'art des Goths, un art de « barbares » qui auraient oublié les techniques et les canons romains. Un certain nombre d'historiens de l'art réfutent aujourd'hui ce jugement et montrent que, par rapport à l'architecture romane qui la précède, l'architecture gothique n'est pas tant une rupture qu'une évolution.

L'architecture gothique apparaît en Île-de-France au XIIe siècle ; elle se diffuse rapidement au nord de la Loire puis en Europe jusqu'au milieu du XVIe siècle. L'esthétique gothique reste très présente dans l'architecture française jusqu'au début du XXe siècle.

Son identité très forte est autant philosophique qu'architecturale. Elle représente probablement, de ces deux points de vue, l'un des plus grands accomplissements artistiques du Moyen Âge.

Définition de l'architecture gothique 

Même si il est courant de définir l'architecture gothique par l'usage de l'arc-brisé ou bien de l'ogive, on ne saurait définir un style architectural précis , ou tout autre art, par ses caractéristiques techniques. Opposer le roman au gothique par l'usage du plein cintre ou celui de l'ogive n'a aucun sens. L'ogive, l'arc brisé, l'arc-boutant sont utilisés bien avant l'apparition des premiers bâtiments gothiques. 

De nombreux autres procédés architecturaux ou décoratifs ont été employés. L'alternance de piles fortes et piles faibles rythme la nef et renforce ainsi l'impression de longueur, d'horizontalité. Le rapport hauteur/largeur de la nef accentue ou diminue la sensation de hauteur de la voute. La forme des piles, la décoration des chapiteaux, la proportions des niveaux (grandes arcades, triforium, fenêtres hautes),... participent tous à l'expression de l'esthétique de l'architecture gothique :

Historique 

Cathédrale de Strasbourg : rosace, vue intérieure

Le style gothique se développe en Europe occidentale entre les XIIe et XVIe siècles. Ce développement est lié à un début croissance économique et, en particulier, à l'essor des villes[4]. Son évolution est stimulée par la concurrence entre les évêchés du nord de la France : chaque évêque veut une cathédrale plus belle et plus grande que celle du voisin. Cette émulation favorise la course à la hauteur des nefs. Les nouvelles idées sont rapidement exploitées à Noyon, à Laon, à Senlis, puis à Paris. Elles se répandent ensuite progressivement en Europe occidentale, avec des variantes locales propres à chaque contrée : Angleterre, Espagne, Portugal, Italie, pays germaniques, Scandinavie

Le style évolue dans le temps : au gothique dit « primitif » (XIIe siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190 - 1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230- v.1350), enfin le gothique « flamboyant » (XVe / XVIe siècle). À la Renaissance, le style gothique tombe peu à peu en désuétude et l'on se tourne vers un style hybride de structure gothique et de décor renaissance (église Saint Étienne du Mont à Paris).

Cathédrale Dates Hauteur sous nef (en mètres) Longueur totale (en mètres)
Sens environ 1135
24
113
Noyon environ de 1140
22
102
Laon 1155
25
110
Paris 1163
35
130
Strasbourg 1190 à 1439
31
115
Bourges 1192
38
118
Chartres 1194
37
130
Angers XIIesiècle
24,7
90,47
Le Mans environ 1220
24
134 (nef romane)
Amiens 1220
42,50
145
Beauvais 1225
48
70 (chœur et transept, pas de nef)
Metz 1220 à 1520
41,77
136

 

Avant le gothique 

Depuis la fin du Xe siècle, les églises sont construites dans le style roman commun à une grande partie de l'Europe occidentale : les nefs sont couvertes d'une voûte en berceau ; les murs sont épais et soutenus par des contreforts massifs situés à l'extérieur. Le nombre et l'ampleur des fenêtres sont limités et l'intérieur des édifices est décoré par des fresques aux couleurs vives.


L'historiographie récente tend à diminuer la rupture entre les styles roman et gothique. Par ailleurs, les spécialistes tendent à montrer que l'héritage antique n'a pas été complètement oublié du style gothique. Les sculpteurs et les architectes s'inspirent souvent des méthodes romaines.

Le gothique primitif ou protogothique 

Bien que des éléments techniques utilisés par les maitres d'œuvre de l'époque existent depuis de nombreux siècles (ogive), l'édification de la basilique Saint-Denis et de la cathédrale Saint-Étienne de Sens sont généralement considérés comme les premiers jalons majeurs dans la genèse de l'esthétique gothique en architecture.

Les premiers édifices gothiques apparurent vers les années 1130-1150 en Île-de-France. C'est pourquoi ce style est appelé par ses contemporains en latin francigenum opus ou « ouvrage d'origine française », « ouvrage français ». C'est dans le domaine royal de la dynastie capétienne que le style trouve son expression la plus fréquente et la plus classique. À cette époque, la croissance démographique commande une augmentation de la taille des édifices religieux. La religion, le culte des reliques sont une composante essentielle de la vie des fidèles. La diffusion des innovations techniques rend le travail plus productif. Enfin, les villes et le commerce se développent, ce qui entraîne l'émergence d'une riche bourgeoisie.

Premières réalisations 

L'église de l'Abbaye Notre-Dame de Morienval présente déjà quelques traits du gothique. Elle est antérieure à l'abbatiale de Saint-Denis, mais celle-ci est une des premières constructions religieuses encore debout à se démarquer franchement du style roman.

L'abbaye bénédictine de Saint-Denis est un établissement prestigieux et riche, grâce à l'action de Suger, abbé de 1122 à 1151. Ce dernier souhaite rénover la vieille église carolingienne afin de mettre en valeur les reliques de saint Denis dans un nouveau chœur : pour cela, il souhaite une élévation importante et des baies qui laissent pénétrer la lumière.

Suger décide d'achever la construction de sa nouvelle abbatiale en s'inspirant du nouveau style entraperçu dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens. En 1140, il fait édifier un nouveau massif occidental, en s'inspirant des modèles normands de l'âge roman comme l'abbatiale Saint-Étienne de Caen. En 1144, la consécration du chœur de la basilique marque l'avènement d'une nouvelle architecture. Reprenant le principe du déambulatoire à chapelles rayonnantes en le doublant, il innove en prenant le parti de juxtaposer les chapelles autrefois isolées en les séparant par un simple contrefort. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies de vitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de la croisée d'ogives qui permet de mieux répartir les forces vers les piliers.

Le premier art gothique s’étend durant la seconde partie du XIIe siècle dans le nord de la France. Le clergé séculier est alors tenté par un certain faste architectural. Saint-Denis passe pour le prototype : mais ce parti, très audacieux, ne sera pas immédiatement compris et suivi (façade harmonique, double déambulatoire, voûtes d'ogives). La cathédrale Saint-Étienne de Sens est un autre exemple initiateur de ce mouvement, moins audacieux que Saint-Denis : alternance des supports (piles fortes et piles faibles), voûte sexpartite, murs qui restent relativement épais - l'utilisation des arcs-boutant ne se généralisera qu'à la période classique (même si leur première apparition attestée date de la décennie 1150 à Saint-Germain-des-Prés). Cependant on peut y constater des innovations telles que l'absence de transept qui unifie l'espace et l'éclairage plus abondant. Les apports de Sens sont compris plus vite que ceux de Saint-Denis. La cathédrale de Sens va avoir davantage de répercussions et rapidement de nombreux édifices vont suivre son exemple, au nord de la Loire dans un premier temps.

Tableau des principaux édifices du gothique primitif en France
Ville Cathédrale Début des travaux Fin des travaux (gros œuvre) Date de la consécration
Sens Saint-Étienne 1135 Entre 1490 et 1517 1164
Noyon Notre-Dame de Noyon 1145 1235  
Senlis Notre-Dame de Senlis 1153 inconnue 16 juin 1191
Laon Notre-Dame de Laon 1155 1235  
Soissons Saint-Gervais-et-Saint-Protais 1176 1212 pour le principal de l'œuvre  
Le gothique classique 

Le gothique classique correspond à la phase de maturation et d'équilibre des formes (fin XIIe-1230 environ). On construit alors toutes les plus grandes cathédrales : Reims, Bourges, Amiens, etc. Le rythme et la décoration se simplifient. En réalité, on privilégie le colossal au détriment du raffinement ; l'élan vertical est de plus en plus prononcé. L'architecture s'uniformise : on abandonne l'idée de principe de piles alternantes très marqué à Sens.
Pour cette période, on commence à connaître le nom des architectes, notamment grâce aux labyrinthes (Reims). Le travail se rationalise. La pierre se standardise. Le monument prototype est Chartres, projet ambitieux avec une élévation à trois niveaux qui a pu être possible grâce au perfectionnement dans le contrebutement. La mise au point des arcs-boutants permet de supprimer les tribunes qui jusqu'alors jouaient ce rôle. Les autres pays d'Europe commencent à s'intéresser à cette nouvelle forme architecturale (Cantorbéry, Salisbury, etc.). La cathédrale de Laon qui servit probablement de modèle à d'autres aura trois niveaux de tribunes.

Tableau des principaux édifices du gothique classique en France
Ville Cathédrale Début des travaux Fin des travaux (gros œuvre) Date de la consécration
Reims Notre-Dame de Reims 1211 1275
Bourges Saint-Étienne 1195 1230 le 13 mai 1324
Amiens Notre-Dame d'Amiens 1220 1264
Chartres Notre-Dame de Chartres 1194 environ 1220 1260
Le gothique rayonnant 
Gothique rayonnant : chœur de la basilique Saint-Denis, au nord de Paris
Gothique rayonnant: rosace du transept sud, Notre-Dame de Paris

Encore une fois, ce style est né à Saint- Denis avec la réfection des parties hautes du chœur de l'abbatiale en 1231. Il s'impose réellement à partir des années 1240 ; les édifices alors en chantier prennent immédiatement en compte cette nouvelle « mode » et changent partiellement leur plan. Le gothique rayonnant va se développer peu à peu jusqu'en 1350 environ, et se répandre dans toute l'Europe avec une certaine homogénéité. Des architectes français seront employés jusqu'à Chypre ou en Hongrie.

Les églises deviennent de plus en plus hautes. Sur le plan technique, c'est l'utilisation d'une armature de fer (technique de la "pierre armée") qui permet des bâtiments aussi vastes et des fenêtres aussi grandes.

Les fenêtres s'agrandissent jusqu'à faire disparaître le mur : les piliers forment un squelette de pierre, le reste étant de verre, laissant pénétrer une lumière abondante. La surface éclairée est encore augmentée par la présence d'un triforium ajouré comme à Châlons. A Metz, la surface vitrée atteint 6 496 m2. Les fenêtres sont en outre caractérisés par des remplages d'une grande finesse qui ne font pas obstacle à la lumière. La rose, déjà très utilisée auparavant, devient un élément incontournable du décor (Notre-Dame de Paris, transept ; façade de la cathédrale de Strasbourg).

On notera aussi une certaine unité spatiale : les piliers sont tous identiques ; la multiplication des chapelles latérales permet aussi d'agrandir l'espace de la cathédrale.

Le pilier est le plus souvent fasciculé, c'est-à-dire entouré de multiples colonnettes rassemblées en faisceau. Contrastant avec la tendance du pilier fasciculé, tout un groupe de cathédrales et grandes églises adoptent cependant des piles cylindriques à l'imitation de Cathédrale Saint-Étienne de Châlons.

Le gothique flamboyant
Gothique flamboyant : palais de justice de Rouen, Seine-Maritime
Gothique flamboyant - Façade de la Sainte-Chapelle de Vincennes

Appelé aussi gothique tardif, il naît dans les années 1350 et se développe jusqu'à la fin du XVe siècle, et même dans certaines régions, telle la Lorraine, durant la première partie du XVIe siècle : voir par exemple la Basilique de Saint-Nicolas-de-Port. En Champagne il arrive après 1450 environ avec des maçons tels que Florent Bleuet, actif à Troyes et à la basilique Notre-Dame de l'Épine. Ce gothique dit "flamboyant" tire ce nom des motifs en forme de flammes (soufflets et mouchettes) que l'on peut voir dans les remplages des baies, des rosaces ou sur les gâbles par exemple.

Par rapport à la période précédente, la structure des édifices reste la même ; mais leur décor évolue vers un ornement exubérant, caractérisé par une grande virtuosité dans la stéréotomie (taille de la pierre). La technique de la « pierre armée » de la période rayonnante fait place à la « pierre taillée » : cela explique par exemple que les rosaces soient de dimensions plus modestes, même si elles se font plus aériennes reposant sur des structures plus légères comme dans la Sainte-Chapelle de Vincennes. Les façades présentent également la caractéristique d'être ouvragées sur plusieurs plans. A l'intérieur des bâtiments, la voûte d'ogive se fait plus complexe, devenant dans certains édifices, décorative ; c'est le cas à la cathédrale Saint-Guy de Prague. La clef pendante ou cul-de-lampe, véritable prouesse technique, se fait plus fréquente (Saint-Ouen de Rouen, portail des Marmousets).

Cette période voit des styles distincts apparaître dans différentes régions d'Europe. En France, l'élévation se simplifie quelque peu avec souvent une élévation à deux niveaux (Saint-Germain l'Auxerrois), ou bien avec une élévation à trois niveaux mais avec un triforium aveugle. Les piliers se prolongent sans interruption du sol jusqu'à la clé de voûte ; les multiples colonnettes qui les flanquaient sont remplacées par des nervures.

Exemples d'édifices flamboyants : l'église Saint-Maclou et le Parlement de Rouen, la chapelle de Saint-Louis du château de Saint-Germain-en-Laye, l'église de Louviers, l'église de Brou, près de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, la façade de l'abbaye de la Trinité à Vendôme, la façade de la basilique Notre-Dame de l'Épine, la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville, la cathédrale d'Auch (excepté la façade).




*****************************************

Publié dans Architecture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article