Wagner Richard
(L'Anneau du Nibelung) est un cycle de quatre opéras de Richard Wagner, inspiré de la mythologie germanique et nordique, et particulièrement du Nibelungenlied, un poème épique germanique du Moyen Âge.
Fruit de près de trente ans de gestation au cours desquels l'œuvre s'est transformée progressivement en une gigantesque allégorie philosophique sur la société, la politique, l'économie, la psychologie et le pouvoir, le Ring est qualifié par son auteur de « festival scénique en un prologue et trois journées » mais il est parfois appelé en France la Tétralogie ; ce titre tend à être plus communément remplacé par l'appellation Ring ; il s'agit en effet d'un prologue suivi d'une trilogie plutôt que d'une tétralogie.
Passionné par le théâtre grec antique, Richard Wagner emprunte la structure en quatre parties des spectacles antiques. Il en tire aussi ce qu'il appelle le Gesamtkunstwerk, l'« art total » où tout est lié : théâtre, musique, poésie et peinture. Il ira jusqu'à construire un théâtre consacré à son œuvre, le Palais des festivals de Bayreuth.
Le poème compte plus de 8 000 lignes et met en scène plus de trente personnages. La musique est construite autour de plus de 80 leitmotives - ou « thèmes conducteurs » - musicaux différents, sans compter les dérivés ; sa durée est d'environ 14 heures pour une interprétation fidèle aux volontés du compositeur. Cette complexité associée au génie musical de Wagner en fait une œuvre maîtresse que toute maison d'opéra importante se doit de présenter. Ainsi l'on ne compte plus les représentations et les visions artistiquement variantes qui sont proposées aussi bien musicalement que scéniquement.
L'Anneau du Nibelung | |||
Siegmund brandit l'épée Notung face à Sieglinde dans la hutte de Hunding (Illustration de Josef Hoffmann). Orchestration Wagner a conçu le Ring pour un orchestre qui, dans son temps, était exceptionnellement grand. Les orchestres exécutent par habitude l'œuvre avec moins d'instruments que Wagner l'a souhaité, soit par insuffisance d'espace dans la fosse d'orchestre, soit pour des raisons financières, ou encore par choix artistique du directeur musical . Cependant, Wagner n'a jamais écrit d'orchestration pour un nombre inférieur d'instruments. Chacun des quatre opéras a une instrumentation très semblable, exigeant l'ensemble d'instruments suivant :
En outre, les différentes parties requièrent, de façon variable, différents instruments additionnels : L'or du Rhin :
La Walkyrie :
Siegfried : Le crépuscule des dieux :
Inspiration La source première de Wagner provient de La Chanson des Nibelungen mais il combine ce récit avec d'autres légendes provenant essentiellement de la mythologie nordique dont les poèmes de l’Edda et la Saga des Völsung . Certaines situations s'inspirent d'œuvres de Leconte de Lisle, de La Motte-Fouqué, de Charles Perrault (La Belle au bois dormant et Le Chat Botté), de Hebbel, de Lenström, des contes des frères Grimm ainsi que d'autres inspirations culturelles ou religieuses (son projet non abouti Jésus de Nazareth, la Rédemption, Saint François d'Assise parlant aux oiseaux, etc.). Les personnages, les intrigues et les événements sont largement imaginés ou réinventés par l'auteur au point que la comparaison approfondie du Ring avec ses nombreuses sources supposées se heurte à des divergences majeures et délibérées. Wagner a donc fondé une nouvelle mythologie sur mesure allant jusqu'à altérer légèrement les noms des personnages afin de les démarquer des autres légendes, tout en jouissant de leurs forces symbolistes. Une métaphore du processus créatif du Ring est par ailleurs présente dans Siegfried : on y voit Siegfried limer et fondre l'épée brisée puis à partir des matériaux ainsi récupérés la reforger sous une forme nouvelle. Mime, quant à lui, subissait des échecs à réparer Nothung car il ne tentait que de souder les morceaux brisés. Le grand artiste doit donc conserver les connaissances et pratiques du passé tout en brisant leurs formes anciennes pour faire émerger un art nouveau réconcilié avec la culture au sein de laquelle il se développe. Argument succinct et protagonistes Intrigue Dans cette section, seront développés les "actes fantômes initiatiques" s'intercalant entre chaque journée. Ils permettent de mieux appréhender le scénario dans sa complexité, un certain nombre d'éléments n'étant que suggérés. Pour le détail de chaque journée composant le Ring, on se référera à la section correspondante. L'Or du Rhin Acte fantôme initiatique : les origines Le Ring démarre en réalité avec le commencement de l'univers tel que le suggère le prélude de L'Or du Rhin dans son développement . L'univers est représenté par un arbre, le Frêne Monde prenant ses racines dans la terre et s'élevant vers le ciel. Wotan représente la pensée abstraite, il s'incarne dans l'air ; Erda symbole de la sagesse originelle et de l'intuition représente la terre ; Loge séducteur insaisissable est le feu ; le Rhin est eau, force de nature et d'évolution. L'univers est intemporel, en équilibre permanent. Wotan, en quête de pouvoir se rend à la source du frêne monde et boit à sa source sacrée. Pour des raisons inconnues il doit en échange y laisser son œil gauche, symbole de l'intuition et du sentiment ; guidé seulement par sa raison, il prend Fricka pour épouse au détriment de sa sœur Freia qui symbolise l'amour ; Fricka au contraire est calculatrice, manipulatrice, conventionnelle et coquette . En quête de toujours plus de contrôle, il arrache une branche au frêne monde qu'il transforme en lance. Par des runes il y grave ses tables de lois, mais si la loi accroît son pouvoir elle l'entrave également comme tout politique. Ces deux déséquilibres originels ne tardent pas à ébranler l'univers. La source sacrée se tarit et l'arbre monde dépérit. Le temps n'est plus cyclique, la nature est perturbée. Wotan devenu tout puissant chez les éléments (les dieux) introduit Loge (le feu) parmi eux après l'avoir asservi, cependant il est mal vu par les autres dieux et Freia le prive de ses pommes d'or conférant la jeunesse éternelle. Loge n'est donc qu'un dieu à moitié "Je ne suis pas aussi divin que vous" et n'aspire qu'à retrouver sa forme originelle . Il pousse tout d'abord Wotan à édifier une forteresse divine afin d'accroître toujours plus sa puissance en promettant de trouver un prix plus tard pour la financer, ce travail est donné aux deux géants Fasolt et Fafner ; Wotan leur promet Freia en gage ; Fricka, soucieuse d'une belle demeure où enfermer un mari trop volage, acquiesce. Loge quant à lui part explorer le monde loin des sommets des dieux. La scène Article détaillé : L'Or du Rhin. Le prologue raconte, en quatre scènes qui se jouent sans interruption, les origines du drame. L'or pur repose au fond du Rhin, gardé par trois ondines, les filles du Rhin. Le Nibelung Alberich le vole en maudissant l'amour afin d'en forger un anneau qui donne une puissance sans limite et apporte la richesse à celui qui le possède. Cet anneau, ainsi que les richesses accumulées par Alberich, lui sont dérobés par Wotan, sur le conseil de Loge, afin de payer le salaire de Fasolt et Fafner, géants bâtisseurs du Walhalla qui doit devenir la demeure des dieux. Fou de colère et de douleur, Alberich maudit l'anneau, qui causera désormais la perte de quiconque le possédera. Wotan garderait bien l'anneau pour lui mais Erda lui conseille de fuir la malédiction qui y est attachée, car le crépuscule des dieux est proche. La malédiction fait son effet : au moment du partage du butin, Fafner tue son frère Fasolt afin de posséder l'anneau. Effrayé mais encore persuadé qu'il pourra agir sur les événements à venir, Wotan invite les dieux à entrer au Walhalla tandis que les filles du Rhin pleurent la perte de l'or pur et lumineux.
La Walkyrie Acte fantôme initiatique : La Stratégie de Wotan La malédiction de l'anneau pose un défi à Wotan, s'il laisse faire la malédiction s'acharnera, mais s'il récupère l'anneau de force à Fafner il viole ses propres pactes et donc la source de son pouvoir "tous par les pactes, rien par la violence." Pour rendre l'anneau aux Filles du Rhin il doit donc user de subterfuges. Alberich n'est pas lié à la malédiction car il a payé l'anneau de son prix : le renoncement à l'amour. L'argent procuré par l'anneau est plus fort que les lois de Wotan, ce dernier ne peut compter sur les convictions des humains aliénés par ses règlements. Pour parer à cette menace il décide de lever une armée au Walhalla mais dont les héros la composant répondront à des critères particuliers qu'ils doivent prouver par leurs morts au combat. Wotan fanatise donc les hommes et provoque des guerres afin de stimuler l'apparition de véritables héros. Pour leur sélection il créé les Walkyries au nombre de neuf, des vierges guerrières arpentant les champs de bataille et dont le rôle est d'exciter la fureur au combat. Il s'accouple à Erda (viol?) pour donner naissance à Brunnhilde, sa favorite. Cependant ces actions ne rassurent pas le dieu qui doute d'une efficacité à long terme, ce courage provoqué par artifices risquerait de faillir si Alberich remettait la main sur l'anneau. Il s'accouple donc avec une mortelle en se dissimulant sous le nom de Wälse (Loup) qui lui donne un couple de jumeaux Siegmund et Sieglinde (qui n'était pas prévu). Très tôt il entraîne son fils à rejeter toutes les conventions, à critiquer toutes les lois et donc fatalement à vivre en reclus ; il l'abandonne à son destin après cette formation tout en lui promettant qu'en cas de difficultés extrêmes il trouvera une épée Notung pour le secourir. L'idée de Wotan est de créer un homme affranchi de toutes les lois et donc de son pouvoir, ce fils pourrait récupérer l'anneau sans lier Wotan à ce rapt. En opposition à sa nature Loup, Sieglinde se voit contrainte d'épouser Hunding (Chien) après son enlèvement par des Brigands et le meurtre de sa mère ; Fricka bénit ce mariage sans amour. La scène Article détaillé : La Walkyrie. La première journée narre les amours tragiques de Siegmund et Sieglinde, les jumeaux incestueux et adultères que Wotan a eus d'une mortelle, ainsi que les tentatives vouées à l'échec de Wotan afin de se protéger de la malédiction de l'anneau. Fricka persuade Wotan que Siegmund n'est pas le héros capable de sauver les dieux et le monde. Wotan décide d'abandonner son fils dans le combat qui doit l'opposer à Hunding, époux légitime de Sieglinde. Il confie cette tâche à sa fille Brünnhilde. Mais, touchée par l'amour passionné des jumeaux et persuadée que profondément Wotan ne peut pas vouloir la mort de son fils, Brünnhilde désobéit et protège Siegmund. Wotan, contraint d'intervenir lui-même dans le combat, décide de punir sa fille. Brünnhilde est condamnée à être abandonnée sur un rocher entouré de flammes : seul un héros pourra franchir ce feu et la réveiller. Siegfried Acte fantôme initiatique : La naissance de Siegfried Dans la forêt où Fafner couve son or et l'anneau sous la forme d'un dragon (grâce au Tarnhelm), Mime a installé son camp. Il a recueilli dans la forêt Sieglinde qui meurt en mettant au monde Siegfried. Le forgeron profite de l'aubaine pour préparer un plan afin de dérober l'anneau à son profit et ainsi se venger des vexations de son frère Alberich en exerçant un pouvoir tout aussi despotique. Mais il n'a pas la carrure de son frère et en voulant devenir le père de Siegfried il devient aussi martyre du jeune homme qui ne se reconnaît pas en lui. Mime prépare tant bien que mal Siegfried à tuer Fafner, mais le jeune garçon a pris l'habitude de briser toutes les épées forgées par le nain, seule Notung pourrait lui convenir mais le forgeron, pourtant habile, ne parvient pas à la reforger et garde les fragments cachés de Siegfried. Ayant compris ses erreurs avec Siegmund, Wotan fonde désormais ses espoirs sur Siegfried et se garde bien cette fois de toute intervention. Le dieu n'aspire désormais plus à son pouvoir mais songe à le léguer au futur couple formé par Siegfried et Brünnhilde. S'étant démarqué de cette dernière il ne peut plus être compromis. Wotan abandonne peu à peu ses charges de maître des dieux pour voyager sous le costume de Wanderer (voyageur errant et lucide) ; il n'intervient plus dans le monde, sentant que ses anciennes lois sont dépassées. Son attitude ressemble à un début de folie. Bien que distant, il surveille attentivement l'évolution de Siegfried ; réduit à un rôle de spectateur qu'il ne supportera que de façade, sa nature le poussera à tenter des interventions se voulant neutres, risquant ainsi de réitérer l'erreur faite vis-à-vis de Siegmund. Il continue à garder farouchement Brünnhilde endormie sur son rocher, réservant celle-ci à Siegfried. Loge sous sa forme de flammes prête son concours à Wotan qu'il s'empressera par ailleurs de trahir pour laisser passer Siegfried au début de l'acte III. La scène Article détaillé : Siegfried (opéra). La deuxième journée est centrée sur le personnage de Siegfried, fils de Siegmund et de Sieglinde, mais aussi sur la lutte entre Wotan, devenu le voyageur, et Alberich au sujet de l'anneau. Le nain Mime, frère d'Alberich, a élevé Siegfried afin qu'il tue le géant Fafner transformé en dragon et lui conquière ainsi l'anneau. Grâce à l'épée de son père reforgée, Notung, Siegfried tue Fafner et s'approprie le trésor et l'anneau sans en comprendre la signification. Après s'être débarrassé de Mime qui cherchait à l'empoisonner, et instruit par l'oiseau de la forêt, Siegfried part à la recherche de la "vierge qui dort", qui n'est autre que Brünnhilde. En chemin, il se heurte violemment à "Wotan-voyageur" qui prétend lui barrer la route, ne supportant finalement pas d'être dépassé par son insolent petit-fils. D'un coup d'épée, Siegfried fait voler en éclat la lance du dieu, symbole de son pouvoir. Wotan est brisé, ses lois détruites par l'homme véritablement libre. Siegfried éveille Brunnhilde et devient son époux. Le Crépuscule des dieux Acte fantôme initiatique : La vengeance d'Alberich L'action scénique reprend la continuité de celle de Siegfried, on ne sait combien de temps sépare les deux journées, une seule nuit peut-être. Siegfried s'est accouplé à Brünnhilde et aspire désormais à de nouvelles aventures. Brünnhilde acquiesce mais prend le soin précédemment d'enduire le corps de Siegfried d'une protection magique à l'exception de son dos, car elle sait qu'il ne tournera jamais le dos à l'ennemi. Parallèlement à ces événements, les Gibichungen règnent sur le Rhin. Alberich a corrompu la reine par de l'or dans des circonstances non précisées afin de lui faire porter son fils : Hagen. Ce dernier, demi-frère du roi du Rhin Gunther est son premier conseiller, il exerce sur lui une véritable emprise. Gunther ne rêve que de restaurer la gloire de sa dynastie salie par sa mère. Alberich compte sur Hagen pour accomplir sa vengeance en récupérant l'anneau de Siegfried. Wotan, quant à lui, s'est réfugié depuis sa fuite dans un mutisme révélant une névrose poussée à son comble. Il siège impassible et sans mouvements ni regards sur le trône des dieux et semble attendre la fin annoncée. Son esprit malade ne semble s'inquiéter que de ce qui la retarde et aimerait pouvoir influencer Brünnhilde en ce sens ; il est informé des événements du monde par ses corbeaux. Les Walkyries ne vont plus au combat et sont terrifiées par l'attitude du maître des combats tout comme les dieux désemparés par la vacance manifeste du pouvoir. On peut supposer par l'analyse de la construction musicale de cette dernière journée que Loge a déserté l'assemblée des dieux pour occuper les événements de cette révolution dans le monde. La scène Article détaillé : Le Crépuscule des dieux. La troisième et dernière journée dénoue les fils du drame, au travers des péripéties vécues par Siegfried et Brünnhilde au royaume de Gibich. Siegfried a perdu la mémoire suite aux manœuvres de Hagen, fils d'Alberich qui est résolu à reconquérir l'anneau. Il tombe amoureux de Gutrune, sœur du roi Gunther. Brünnhilde, folle de douleur, accuse publiquement Siegfried de trahison, lequel se défend et s'engage à être déchiré par la lance de Hagen s'il a menti. À l'occasion d'une partie de chasse, Hagen rend la mémoire à Siegfried. Ce dernier révèle qu'il a connu Brünnhilde. Il a donc été parjure et Hagen le tue. Mais Brünnhilde, qui entre-temps a pris conseil auprès des filles du Rhin, est désormais instruite de l'ensemble des événements. Elle comprend à la fois son erreur, le sens véritable de l'anneau, ainsi que le désir profond de son père Wotan, qui aspire lui-même au crépuscule des dieux. Brunnhilde fait porter le corps de Siegfried sur un bûcher sur lequel elle-même se précipite, rejoignant son époux dans la mort et lavant ainsi l'anneau de toute malédiction. Le Rhin déborde afin de noyer l'incendie. Les filles du Rhin entraînent Hagen, qui tentait de s'emparer de l'anneau, dans les profondeurs. L'incendie a gagné le ciel. Tandis que les filles du Rhin jouent gaiement avec l'anneau reconquis, le Walhalla brûle. Les dieux périssent. Un monde nouveau peut naître sur la terre.
Le Palais des festivals de Bayreuth [modifier] Article détaillé : Palais des festivals de Bayreuth. Aussi nommé le Festspielhaus, il fut construit dans l'unique objectif de remplir les caractéristiques techniques et événementielles propres à la représentation du Ring. Le choix de la petite ville provinciale de Bayreuth est délibéré afin d'éviter que la fréquentation du festival de Bayreuth ne devienne un divertissement mondain; le fait que Bayreuth n'offre ni luxe, ni divertissement autre, devait favoriser un public averti et honnêtement présent pour l'amour de l'art. Toutefois, cette volonté fut et est toujours dans sa réalisation un échec cuisant. Contrairement à d'autres théâtres, la priorité fut donnée à la scène sur la contenance; il reprend, en opposition au style du théâtre à l'italienne, une architecture d'amphithéâtre grec afin de créer une égalité des spectateurs face à l'œuvre. De plus, contrairement aux pratiques répandues, la lumière est éteinte durant le spectacle, ce qui rend impossible la lecture du livret. On le voit donc, cette salle est conçue sur mesure pour l'esprit et la musique du Ring puis de Parsifal, créant ainsi un extraordinaire aboutissement dans le concept de Gesamtkunstwerk.
Les trois Filles du Rhin jouent autour de l'or. Illustration de "Stories of the Wagner Opera" par H. A. Guerber, 1905 |